Né en 2009, le Forum Espace Humanitaire (FEH) cherche à rassembler les acteurs de l’urgence humanitaire dans un espace de rencontre informel et sûr (en utilisant les règles dites de ” Chatham House “) pour échanger librement et en toute franchise sur des questions auxquelles sont confrontées ses organisations (humanitaires françaises, celles de la ” Genève internationale “, et y compris des responsables d’organisations humanitaires et de développement d’autres pays, des représentants d’agences onusiennes, des universitaires).
Cette année, le FEH faisait suite au Sommet Mondial Humanitaire d’Istanbul, en essayant de faire un bilan de ces discussions et de la situation actuelle où l’action humanitaire devient de plus en plus controversée. Le Réseau des plateformes d’ONG d’Afrique de l’Ouest (REPAOC) y était représenté par la présidente du Forum des ONG pour le Développement Durable (FONGDD) de la guinée Conakry, Mme Saran Touré.
Le constat réalisé est que l’action humanitaire est en transition, en recherche, en turbulence. Le respect du droit international humanitaire est en recul bien que les moyens disponibles, et notamment financiers, ont progressé au cours des dernières décennies. Les besoins ont eux aussi augmenté de façon exponentielle. De plus grandes difficultés sur le terrain et des tensions croissantes sur certains lieux d’opération mettent parfois en péril les interventions des ONG bien que leur rôle et leur importance ne soient plus à démontrer. Au niveau des organisations internationales elles sont de plus en plus bloquées par des intérêts institutionnels. Peut-être que les ONG doivent aller au-delà de leur rôle d’assistance et développer un plaidoyer plus fort sur l’assistance et la protection des civils.
Un nouvel enjeu est l’intervention progressive des acteurs privés via leur politique de responsabilité sociale, leur fondation, etc…, dans l’action humanitaire, ce qui marque un tournant décisif. Mais, doit-on considérer cette évolution comme préoccupante, ces acteurs pouvant concurrencer les moyens des ONG et laisser penser aux Etats que le secteur privé va régler des problèmes découlant pourtant de sa responsabilité ? Beaucoup appellent à une plus grande déontologie et transparence dans l’action des entreprises dans l’humanitaire, et dans les relations qu’elles entretiennent avec les ONG. Pour le secteur humanitaire, et bien qu’il faille diversifier nos sources de financement, il nous faut s’assurer de maintenir nos valeurs tout en développant ces partenariats, peut-être en établissant des chartes, en analysant quelles sont les vraies valeurs ajoutées et la complémentarité d’action. Il y a lieu de regarder qui nous sommes et où est-ce ce que nous voulons aller ensemble ? Quelle est la place des collectifs et des coordinations dans l’humanitaire ?
Enfin, un autre espace de réflexion à ouvrir concerne la dimension culturelle dans la vision globale du droit international humanitaire, les différences, et parfois les ambiguïtés, des conceptions humanitaires dans les pays du Nord et du Sud y compris entre ONG internationales et locales. A l’heure actuelle, il semble que tout devient humanitaire y compris les projets de développement et l’accueil des migrants. Or l’humanitaire n’est pas une substitution à des politiques d’accueil ou de résolution de crise et de conflit.
Du côté du REPAOC et du secteur associatif ouest-africain, nous recommandons la mutualisation des forces pour l’intérêt général tout en respectant notre diversité, en bâtissant plus de solidarité entre nous et en investir dans les ONG locales pour renforcer leurs capacités et leur accès direct au financement et pour développer leurs compétences stratégiques.