Axes de plaidoyer

Déclaration des femmes d’Afrique de l’Ouest sur l’efficacité de l’aide et l’égalité des sexes

Nous, femmes en provenance de 15 pays d’Afrique de l’Ouest et de la Mauritanie, représentant 33 organisations et réseaux et 2 mécanismes nationaux de promotion des femmes de la sous région, à la réunion Consultative des organisations de femmes d’Afrique de l’Ouest sur l’efficacité de l’aide et l’égalité des sexes, organisée du 25 au 27 juin 2008 à Lomé, par le bureau du WILDAF (Women In Law and Development in Africa) pour Afrique de l’Ouest, avec l’appui financier du Bureau Régional de l’UNIFEM pour l’Afrique de l’Ouest et d’OSIWA (Open Society Institute for West Africa).

Ayant analysé les principes de la Déclaration de Paris, ainsi que le projet de Programme d’Action d’Accra (PAA) ; Notant l’état endémique de la pauvreté des femmes africaines qui représentent plus de 50% de la population, leur rôle et place dans le développement socio-économique de nos pays, ainsi que leur situation de sans voix dans les processus de prise de décision ; Rappelant cependant leur engagement pour l’éradication de la pauvreté et pour le développement ; Rappelant les engagements pris par les Etats à travers les instruments internationaux et régionaux de droits des femmes tels que la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes et le protocole à la Charte Africaine des droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, ainsi qu’à travers des plates formes sur le développement tels que la Plate forme d’action de Beijing, les Objectifs du millénaire pour le Développement, la Déclaration solennelle des Chefs d’Etats de l’Union Africaine sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Afrique et le Protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance ; Reconnaissons que l’évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide offre des opportunités pour faire avancer l’agenda des droits des femmes et de l’égalité des sexes. Affirmons pourtant que l’aide ne peut être efficace que lorsqu’elle conduit à un développement durable qui implique, la centralité des droits humains, de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes, de la justice sociale et de préservation de l’environnement. Affirmons également que les progrès en matière d’égalité des sexes, de préservation de l’environnement, de respect des droits de l’homme et de bonne gouvernance, reconnus dans le projet du programme d’action d’Accra comme « autant d’éléments essentiels à l’obtention de résultats tangibles en matière de développement », ne peuvent être accélérés à travers la mise en œuvre de la Déclaration de Paris que s’ils sont traités comme des secteurs assortis d’indicateurs de progrès et auxquels sont dédiés des ressources financières dans les budgets nationaux. Déplorons cependant le fait que la Déclaration de Paris n’aie pas pris en compte les droits des femmes, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes à travers leur reconnaissance et la proposition de mesures et indicateurs susceptibles de les promouvoir. Soutenons pleinement les différentes positions des militantes de droits des femmes et experts de l’égalité des sexes lors de la Consultation internationale de Toronto de janvier 2008, des femmes d’Afrique au cours de la Consultation Régionale de Nairobi mai 2008 et de l’UNIFEM sur l’efficacité de l’Aide ; Tenons à adresser aux pays partenaires, particulièrement ceux d’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’aux donateurs, à l’occasion du Forum de Haut niveau d’Accra de Septembre 2008 destiné à évaluer la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, les recommandations suivantes ; Concernant l’appropriation Le principe de l’appropriation doit être compris dans le sens d’une appropriation démocratique qui inclut les Etats aussi bien que les citoyens, les parlementaires et les organisations de la société civile, en particulier les organisations des droits des femmes. Les Etats partenaires et les donateurs doivent à cette fin :

1. Reconnaître la société civile et en particulier les organisations de femmes comme des partenaires à part entière et de plein droit du processus du développement. Les gouvernements et les donateurs doivent interpréter l’appropriation nationale en accordant une attention particulière à ses implications dans le contexte des engagements internationaux et régionaux de droits des femmes et d’égalité des sexes pris à travers la CEDEF, la Plate forme d’Action de Beijing et le Protocole de l’Union Africaine sur les droits des femmes.

2. Renforcer la capacité des organisations de femmes en vue de leur permettre d’influencer le processus du développement dans une perspective d’intégration du genre dans les politiques, plans, programmes et budgets, et de jouer un rôle clé dans leur mise en œuvre et leur suivi évaluation.

3. Renforcer la capacité des mécanismes nationaux de promotion de la femme à travers l’attribution de ressources et l’acquisition de compétences adéquates pour apporter leur contribution au processus de planification et budgétisation, ainsi qu’à la coordination et au suivi de l’intégration de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans ledit processus.

Concernant l’alignement Il y a un risque que l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes soient exclues de l’agenda du développement si elles ne constituent pas une priorité clairement exprimée des politiques nationales. Les programmes nationaux devraient être composés des besoins ressentis par les femmes et les hommes et non de ceux imposés comme des priorités nationales.

Nous demandons en conséquence : 4. Que la budgétisation selon le genre soit promue comme un outil combiné avec le soutien général au budget et l’approche sectorielle ;

5. Que les capacités des ministères de la planification et des finances, soient renforcées en matière d’intégration du genre au développement, d’autonomisation des femmes et de budgétisation sensible au genre ;

6. Que l’assistance au développement soit perçue comme devant intégrer l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans les systèmes, procédures et institutions du gouvernement. Cette intégration devrait être reflétée dans les budgets alloués par les ministères des finances ainsi que dans les budgets sectoriels ;

7. Que la société civile entreprenne le suivi des fonds utilisés pour mettre en œuvre les programmes relatifs à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes dans la gestion des finances publiques et dans les systèmes de passation de marché. A cet égard, les organisations de la société civile devraient mesurer le pourcentage de l’aide destinée aux programmes relatifs à l’égalité des sexes aux droits des femmes et aux droits humains.

Concernant l’harmonisation Il est généralement admis que le dialogue dans la prise de décision, garantit la prise en compte des différents besoins des groupes. A cette fin :

8. Les stratégies conjointes de travail des bailleurs de fonds doivent intégrer l’expertise en genre pour renforcer le soutien nécessaire à la prise en compte de l’égalité des sexes et pour donner une voix aux pauvres ;

9. A travers l’harmonisation des plans d’action, les partenaires gouvernementaux et les partenaires en développement doivent s’engager à prendre en compte l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans tous les secteurs dans lesquels ils investissent ;

10. Les partenaires en développement devraient entreprendre une analyse de l’égalité des sexes dans les pays d’Afrique de l’Ouest, analyser les défis qui empêcheront la sous région d’atteindre les OMD, harmoniser leurs positions et méthodes de travail pour traiter de ces questions, et établir les priorités de leurs interventions à l’intérieur des stratégies nationales de développement et des programmes sectoriels ;

11. Les missions conjointes et le travail analytique dans les pays doivent inclure des militantes pour l’égalité des sexes, des experts et des représentantes des mécanismes des femmes.

Concernant la gestion axée sur les résultats Le suivi de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris est entrepris à travers un ensemble d’objectifs et indicateurs qui évaluent les réformes en matière de gestion de l’aide au développement, plutôt que l’impact de l’aide sur le développement. En conséquence :

12. Nous en appelons aux Etats parties afin qu’ils adoptent de nouveaux indicateurs qui permettront le suivi et l’évaluation des principes d’appropriation, de gestion axée sur les résultats et de responsabilité de la société civile.

13. La production de données désagrégées selon le genre devrait être planifiée et régulièrement assurée de manière à servir de support à l’adoption de politiques, à la planification et à la budgétisation ainsi qu’à l’évaluation de l’impact des politiques plans et budgets qui sont mis en œuvre dans les pays partenaires.

14. Le système de suivi de la Déclaration de Paris devrait être amélioré par l’introduction d’indicateurs sociaux et relatifs au genre déjà adoptés dans les accords internationaux pour évaluer la programmation et le financement de l’égalité des sexes.

Concernant la responsabilité mutuelle L’ouverture et la transparence des donateurs et Etats partenaires ainsi que des multiples mécanismes des parties prenantes destinés à la reddition des comptes par les donateurs et les gouvernements, sont nécessaires. A cet effet :

15. Nous demandons la mise en place d’un système de suivi et d’évaluation efficace, approprié et indépendant de la Déclaration de Paris et de son impact sur les résultats dans le domaine du développement.

16. Nous demandons aux Etats partenaires et aux donateurs de rendre compte conjointement aux femmes sur les questions relatives à l’égalité des sexes étant donné que la Déclaration de Paris est supposée rendre l’aide efficace à travers l’atteinte des OMD. 17. Nous demandons que les questions sur l’égalité des sexes soient prises en compte pendant les revues des secteurs, des stratégies nationales de développement, et les revues conjointes des donateurs et des gouvernements.

18. Nous suggérons que les donateurs et les gouvernements des pays en développement consacrent leurs ressources au renforcement de capacités du gouvernement, du personnel employé par les bailleurs de fonds, les Organisations de la société civile, les organisations de femmes et les parlements, en vue de renforcer la responsabilité mutuelle pour l’égalité des sexes et l’émancipation des femmes.

19. Nous demandons que les résultats de l’intégration du genre dans les actions spécifiques telles que l’accès à la santé, l’éducation, les mutations dans le domaine de l’emploi des femmes et leur revenu ainsi que leur protection sociale, la prévalence des violences sexospécifiques et le droit des victimes à la réparation, le droit à l’héritage et à la terre, la représentation et la participation des femmes dans les instances de prise de décision, soient mesurés.

Concernant les Etats fragiles 20. Une attention spéciale devrait être accordée aux Etats fragiles (ceux sortant d’un conflit, d’une guerre ou en situation de post conflit en ce qui concerne l’acheminement d’une aide spéciale aux organisations de femmes en vue d’améliorer les conditions de vie des femmes affectées par les conflits et les guerres. Nous recommandons finalement :

21. Qu’il y ait une augmentation substantielle des ressources destinées aux organisations de femmes ; l’alignement ne devrait pas être un obstacle pour l’accès de ces dernières, des plus petites aux plus grandes, à des ressources prévisibles et pluriannuelles leur permettant à tous les niveaux de jouer leur rôle de veille et de plaidoyer et de renforcer leurs capacités.

Fait à Lomé, le 26 juin 2008

LES ORGANISATIONS SIGNATAIRES :

1. Women in Law and Development in Africa – West Africa 2. Réseau de Développement et de Communication des Femmes Africaines (FEMNET) 3. Women in Law and Development in Africa – Bénin 4. Women in Law and Development in Africa – Burkina Faso 5. Women in Law and Development in Africa – Côte d’Ivoire 6. Women in Law and Development in Africa – Ghana 7. Women in Law and Development in Africa – Guinée 8. Women in Law and Development in Africa – Mali 9. Women in Law and Development in Africa – Nigeria 10. Women in Law and Development in Africa – Sénégal 11. Women in Law and Development in Africa – Togo 12. Réseau pour l’Intégration des Femmes des ONG et associations Africaines (RIFONGA) – Bénin 13. Associação Caboverdiana de Mulheres Juristas – Cabo Verde 14. Rede de Mulheres Economistas – Cabo Verde 15. Mouvement international des Femmes Démocrates (MIFED) – Côte d’Ivoire 16. Female Lawyers Association (FLAG) – Gambia 17. Network for Women’s Rights (NETRIGHT)– Ghana 18. Coalition Nationale de Guinée pour les droits et la citoyenneté des femmes (CONAG-DCF) – Guinée 19. Association of Female Lawyers (AFELL) – Liberia 20. CAFO- Mali 21. Forum national pour la promotion des droits de la Femme FNPDF- Mauritanie 22. Association Mauritanienne de Lutte contre les Pratiques Néfastes agissant sur la santé de la femme et de l’Enfant (AMPSFE) – Mauritanie 23. Coordination des ONG et Associations Féminines Nigériennes (CONGAFEN) – Niger 24. ONG Dimol – Niger 25. Women’s consortium of Nigeria (WOCON) – Nigeria 26. Women Advocate Research and Documentation Centre (WARDC) – Nigeria 27. Forum for African women educationalists – Sierra Leone 28. Women’s Forum – Sierra Leone 29. Réseau Africain pour le Développement Intégré (RADI) – Sénégal 30. Consortium des Organisations Non Gouvernementales d’Appui au Développement – Sénégal 31. Réseau des Femmes Anciens Ministre et Parlementaires (REFAMP) – Togo 32. Groupe de réflexion et d’action Femmes Démocratie et Développement (GF2D) – Togo 33. La Colombe Togo

MINISTERES

34. Ministère de l’action sociale, de la promotion de la femme, de la protection de l’enfant et des personnes âgées – Togo 35. Federal Ministry of women Affairs, Abuja – Nigeria

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