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Déclaration d’Abidjan des Ministres des Etats membres de la CEDEAO sur l’éradication de l’apatridie

Nous, Ministres et Représentants des Etats membres de la CEDEAO, réunis le 25 Février 2015 à Abidjan en Côte d’Ivoire pour la conférence ministérielle sur l’apatridie en Afrique de l’Ouest, organisée par le HCR et la CEDEAO du 23 au 25 Février 2015 en collaboration avec des organisations des Nations-Unies et l’OIM dans le cadre de la campagne mondiale d’éradication de l’apatridie (2014-2024),

Vu le Traité Révisé de la CEDEAO signé à Cotonou le 24 Juillet 1993,
Vu le Protocole A/P/5/82 portant Code la de Citoyenneté de la Communauté signé à Cotonou le 29 Mai 1982,
Vu le mandat du HCR conféré par l’Assemblée Générale des Nations-Unies sur la prévention, la réduction de l’apatridie et la protection des apatrides,

Considérant le fait que des millions de personnes dans le monde don les centaines de milliers en Afrique de l’Ouest ne sont reconnus par aucun pays comme leurs ressortissants et sont donc apatrides, ce qui entrave la jouissance de leurs droit fondamentaux ;

Reconnaissant que des efforts considérables restent à déployer en vue d’obtenir des données détaillées sur les causes de l’apatridie, les obstacles qui empêchent d’y remédier ainsi que le nombre et le profil des personnes apatrides dans les pays membres de la CEDEAO ;

Conscients du fait que les diverses parties prenantes et les populations concernées n’ont pas été suffisamment sensibilisées aux risques et cause de l’apatridie, ainsi qu’à ses conséquences, ce qui rend difficile la collecte des données et la mise en place de stratégies efficaces ;

Prenant en compte la situation et les défis sécuritaires en Afrique de l’Ouest, ainsi que la nécessité de prendre des mesures appropriées, dans la cadre de la lutte contre la criminalité transfrontalière, qui prennent à la fois en compte la lutte contre l’usurpation d’identité et la lutte contre l’apatridie ;

Reconnaissant qu’un certain nombre de circonstances débouchent sur des situations d’apatridie en Afrique de l’Ouest, et profondément préoccupés par le nombre élevé d’apatridies dans la région, parmi lesquels de nombreux enfants ;

Soulignant l’importance des principes d’égalité et de non-discrimination, concernant notamment la transmission de la nationalité au conjoint et à l’enfant ;

Constatant que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ne contient expressément aucune disposition sur le droit à la nationalité ;

Réaffirmant que le droit à une nationalité est un droit fondamental inscrit dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et dans de nombreux autres instruments internationaux et régionaux des droits de l’Hommes auxquels nos Etats sont parties, y compris la Charte Africaine des Droits et Bien-être de l’enfant qui dispose que tout enfant a le droit d’acquérir la nationalité de l’Etat sur le territoire duquel il/elle est né(e) si, au moment de sa naissance, il/elle ne peut prétendre à la nationalité d’aucun autre Etat conformément à ses lois ;

Réaffirmant l’importance fondamentale du droit à la liberté de mouvement en Afrique de l’Ouest et notre engagement à mettre en œuvre les normes de la CEDEAO ;

Notant avec satisfaction des adhésions à la Convention de 1954 relative au statut des apatridies et/ou à la Convention de  1961 sur la réduction des cas d’apatridie par sept Etats de l’Afrique de l’Ouest depuis 2011 ;

Constatant que les défaillances législatives et les conflits de lois, le non-enregistrement des naissances à l’état civil aggravé par le manque d’autres preuves de l’identité et de la nationalité, les successions d’Etats et l’absence de mesures permettant d’accorder la nationalité aux populations affectées, sont e de nature à générer entre autres des cas d’apatridie en Afrique de l’Ouest ;

Soulignant que l’histoire de l’Afrique de l’Ouest est marquée par des mouvements de population, dont des situations de migration forcée et migration prolongée ;

Constatant que les risques d’apatridie s’accroissent lorsque les populations sont dépourvues de pièces d’identités et sont dans l’incapacité d’apporter la preuve de leur rattachement légal à leur pays d’origine, ou d’acquérir la nationalité et leur pays de naissance ou de résidence habituelle ;

Rappelant que les Etats membres de la CEDEAO ont adopté, sous las auspices de l’Union Africaine, les recommandations du cadre directeur pour l’Afrique des politiques relatives aux migrations, lesquelles incluent la ratification et le respect des Convention de 1954 et de 1961 sur l’apatridies, et l’élaboration d’un cadre juridique national pour combattre l’apatridie, particulièrement dans le cas des résidents de longue durée, par la révision de la loi sur la citoyenneté et/ou en octroyant des droits similaires à ceux dont bénéficient les résidents étrangers dans le pays ;

Nous réjouissant de la Déclaration de la Troisième Conférence des Ministres Chargés de état-civil qui ont réaffirmé l’engagement des Etats à  améliorer les systèmes d’enregistrements des faits d’état-civil ;

Nous réjouissant aussi des mesures importantes adoptées par certains Etats de l’Afrique de l’Ouest pour réformer leurs lois sur la nationalité et pour résoudre les situations d’apatridie ;

Rappelant que la nationalité dans nos Etats confère des droits rattachés à la citoyenneté de la CEDEAO et qu’en conséquence l’absence de nationalité est un sérieux obstacle à l’intégration dans notre région,  et nuit à l’atteinte des objectifs de la CEDEAO ;

Fortement préoccupés par le fait que les apatrides sont confrontées à des situations humanitaires graves, l’absence de nationalité étant un obstacle à la jouissance des droits prévus dans la Charte Africaine des Droits de l’Homme de des Peuples, notamment l’accès à la santé, à l’éducation et à la protection sociale, la liberté de circulation et l’obtention de documents d’identité ;

Convaincus que la préservation du droit à la nationalité contribue à la paix et à la sécurité ainsi qu’au développement économique et social dans les pays de la région ;
Constatant que les lois et règlements de la CEDEAO ne prévoient pas de régime de protection pour les apatrides et affirmant l’importance de la protection des apatrides ;

Louant les efforts déployés par la CEDEAO et le Haut  Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés afin de lutter contre l’apatridie en Afrique de l’Ouest ;

Soucieux d’œuvrer à la satisfaction des besoins d’assistance et de protection des apatrides et de rechercher des solutions durables en collaboration avec les pays membres de la CEDEAO en s’attaquant aux causes profondes de l’apatridie, dans le respect du droit international ;

Ayant pris en compte les rapports sur les causes et conséquences de l’apatridie, ainsi que les mesures possibles pour prévenir, réduire er résoudre l’apatridie dans la région de la CEDEAO, préparées par les experts et hauts responsables réunion les 23 et 24 Février 2015 ;

Déclarons ce qui suit :

Sur la prévention de l’apatridie

1. Nous soulignons l’urgence et l’importance d’obtenir des informations fiables sur le nombre et le profil des apatrides, ainsi que sur les sources de l’apatridie et les obstacles à l’acquisition de la nationalité par les apatrides afin d’élaborer des stratégies adaptées pour endiguer ce phénomène. A cet égard, nous exhortons les instituts de recherche et les universités à s’y impliquer activement et la communauté internationale, en particulier le CHR, à soutenir nos efforts ;

1. Nous nous engageons à prévenir et à réduire l’apatridie, notamment par la révision des cadres normatif et institutionnel liés à la nationalité afin d’y intégrer es garanties appropriées contre l’apatridie, notamment la garantie que chaque enfant acquiert une nationalité dès la naissance et que tous les enfants trouvés obtiennent la nationalité du pays dans lequel ils sont trouvés
2. Nous réaffirmons notre engagement à mettre en œuvre les dispositions pertinentes de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et du Protocole Additionnel à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, et à assurer aux femmes et aux hommes des droits égaux en matière d’acquisition, de changement et de conservation de leur nationalité, ainsi que de transmission de la nationalité à leurs enfants
3. Nous invitons les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au plus tôt à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridies, et appelons les Etats membres, avec le soutien du HCR, à réviser leurs législations sur la nationalité et à les rendre conformes à la Convention ;
4. Nous exhortons l’Union Africaine à parachever et à adopter un Protocole additionnel à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatifs au droit à la nationalité,
5. Nous réaffirmons notre engagement à réduire les risques d’apatridie à travers l’amélioration des systèmes d’enregistrement des faits d’état-civil, et en particulier, à garantir que chaque enfant soit enregistré immédiatement après sa naissance, et que les procédures d’enregistrement tardif des naissances soient accessibles à toutes les personnes dont la naissance n’aurait pas encore été enregistrée ;
6. Nous nous engageons à garantir l’obtention de la preuve de leur nationalité à toutes les personnes ayant droit à la nationalité en vertu de notre législation ;
7. Dans le cadre de la lutte contre la criminalité transnationale organisée, nous nous engageons à assurer une gestion des données qui prennent en considération à la fois la lutte contre l’apatridie et la lutte contre l’usurpation d’identité, et à cet égard, nous exhortons la CEDEAO et le HCR à promouvoir la collaboration entre les Etats ;
8. Nous invitons les instances compétentes de la CEDEAO à étudier les situations de migration, tant à l’intérieur de l’Afrique de l’Ouest que de l’Afrique de l’Ouest vers d’autres régions, pouvant générer des situations d’apatridie et à proposer des mesures pratiques, basées sur la collaboration entre les Etats, permettant aux ressortissants établis à l’étranger d’obtenir la confirmation de leur nationalité e d’obtenir des documents d’identité ;
9. Nous nous engageons à mener des campagnes systématiques de sensibilisations sur les risques d’apatridie et des campagnes d’information sur les procédures d’acquisition et de confirmation de la nationalité ;
10. Nous nous efforcerons de prévenir les cas d’apatridie dans les mouvements migratoires en garantissant à tous les migrants et leur famille qui remplissent les conditions de résidence et tout autre critère l’accès aux procédures de naturalisation, et aux enfants de migrants la possibilité d’acquérir la nationalité sur la base de critère approprié y inclus la naissance sur le territoire ;
11. Nous appelons la CEDEAO à intégrer dans le droit communautaire des mesures visant à éradiquer l’apatridie et à garantir le droit à la nationalité à toute personnes ayant un lien de rattachement avec un Etat membre de la CEDEAO, à l’occasion de la révision  de tout traité, protocole et autres engagements pertinents ;
12. Nous nous engageons à adopter des mesures appropriées afin de garantir aux populations concernées l’obtention d’une nationalité en cas de succession d’Etats ;

Sur l’indentification et la protection des apatrides
 
13.  Nous invitons les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à adhérer le plus tôt possible à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides
14. Nous nous efforcerons d’adapter nos programmes étatiques de collecte de données démographiques aux principes et recommandations de recensement de la population et de l’habitation des Nations-Unies, afin d’identifier systématiquement les apatrides tout en respectant les principes de confidentialité et de dignité humaine ;
15. Nous nous engageons à mettre en œuvre des mesures appropriées pour permettre aux apatrides de disposer d’un statut juridique, conformément à la Convention de 1954 et  aux autres normes internationales relatives aux droits de l’homme, et de leur permettre ainsi de vivre dignement ;
16. Nous exhortons la CEDEAO à insérer dans le droit communautaire des mesures en vue de l’intégration et de a protection des apatrides;

Sur la résolution des situations existantes

17. Lorsque des populations apatrides ont été identifiées, nous nous engageons à reformer les lois et politiques en vue d’accorder une nationalité à ces populations de critères prescrits sur la base de la naissance sur le territoire ou la résidence de longue durée ;
18. Nous nous engageons à garantir aux personnes apatrides l’accès aux procédures définies d’acquisition de la nationalité ;
19. Nous nous veillerons à ce que l’information sur les règles et procédures relatives à l’acquisition de la nationalité soient diffusées auprès de tous les apatrides, notamment à travers des initiatives au niveau des communautés locales.

Sur la mise en place de stratégies et de partenariats pour lutter contre l’apatridie

20. Nous approuvons les recommandations adoptées lors de la réunion technique de la présente conférence ;
21. Nous convenons de créer un point focal au sein des gouvernements sur les questions de l’apatridie et de nous réunir régulièrement sous les auspices de la CEDEAO, en collaboration avec le HCR, pour procéder à l’évaluation de la mise en œuvre des recommandations de la conférence ;
22. Nous invitons les Etats membres à discuter de l’inclusion des efforts en vue de l’éradication de l’apatridie dans le contexte des objectifs de développements durables d’après 2015 ;
23. Nous nous engageons à concevoir et mettre en œuvre des plans nationaux de lutte contre l’apatridie, conformément au Plan d’action mondial du HCR ;
24. Nous nous engageons à travailler de concert avec le HCR, la CEDEAO et d’autres parties prenantes intéressées notamment, l’Union Africaine, la Mission des Nations-Unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA), le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme, l’ONU-Femmes, le Fonds International des Nationales-Unies pour l’Enfance (UNICEF), l’Organisation des Nations-Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), le Fonds des Nations-Unies pour la Population (FNUAP), l’Organisation Internationale des Migrations (OIM), et la société civile pour mieux comprendre les situations d’apatridie, et relever ensemble ce défi, conformément au droit international, aux résolutions pertinente de l’Assemblée Générales des Nations-Unies, aux conclusions du Comité Exécutif du Programme du Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés et aux résolutions sur le droit à la nationalité du Conseil des droits de l’homme.
25. Nous décidons de rester saisis de la question.

Fait à Abidjan le 25 Février 2015, par les Ministre de l’Intérieur et de la Justice des Etats membres de la CEDEAO

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