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Banques publiques de développement (BPD) : les ONG, les OSC et les organisations de défense des droits humains affirment que les BPD doivent désormais les impliquer dans les activités à caractère communautaire

Par Nfor Hanson Nchanji – Douala Cameroun (CNA). L’Afrique est frappée par une série de crises qui laissent les pays à la merci du sort.

Depuis plus d’une décennie, les conflictualités et l’instabilité affectent l’Afrique de l’Ouest par les attaques terroristes, les conflits communautaires (identitaires, et entre éleveurs et agriculteurs qui se disputent les espaces et les sources d’eau), les crises politiques et institutionnelles (coups de force constitutionnels pour s’assurer de la longévité au pouvoir couplée avec la problématique du nombre des mandats présidentiels, les coups d’Etat militaires, le défi de l’organisation d’élections indiscutables).

Ce triste tableau est aggravé par les effets de la pandémie du COVID-19, de la crise financière mondiale, du changement climatique, de la guerre Russie-Ukraine, de la crise alimentaire et du nexus Développement-Pauvreté-Migration clandestine.

Pendant ce temps, les organisations non gouvernementales (ONG) et les organisations de la société civile (OSC) sont, elles, encore plus frappées par le tarissement des sources de financement et les différentes formes de restriction de l’espace civique. Tout ceci paralyse la mise en œuvre de leurs projets et plans d’action en direction des communautés.

Sur le plan de la gestion de l’aide publique au développement (APD) et de l’appui des bailleurs et institutions de la coopération multilatérale dont le FMI, la Banque mondiale, la Banque Africaine de Développement (BAD), leurs investissements n’atteignent parfois pas les bénéficiaires finaux, soit parce qu’il y aurait eu des détournements de ressources, soit parce que les réels besoins des communautés n’ont pas été pris en compte lors de l’élaboration des politiques et de la définition des programmes et projets.

C’est la raison pour laquelle les ONG, les OSC, les associations et autres groupes de défense des droits exigent leur implication dans chaque programme et projet de développement, car ce sont elles qui sont les plus proches des populations et qui connaissent leurs aspirations et priorités.

Le 4ème Sommet de la Finance en Commun (FiCS) qui se tient du 4 au 6 septembre 2023 à Carthagène (Colombie) offre l’opportunité aux OSC de tous les continents de se joindre aux institutions de financement du développement, dont les Banques Publiques de Développement (BPD) et les entreprises du Secteur Privé, pour des réflexions et la définition de stratégies visant à garantir le succès de leurs investissements par l’atteinte des objectifs de développement durable. La condition pour y parvenir est que les BPD et les entreprises les considèrent   comme de véritables partenaires du développement.

En Afrique de l’Ouest, le Réseau des plateformes nationales d’ONG, REPAOC, lutte pour la protection des droits et l’amélioration des conditions de vie des communautés, en particulier, de celles marginalisées. Mais les activités des milliers d’ONG se heurtent souvent à des difficultés d’ordre institutionnel, financier et sécuritaire.

Le Coordonnateur Régional du REPOAC, M. Julien Comlan Agbessi, a déclaré qu’ils sont non seulement confrontés au défi de l’accès limité aux projets des banques publiques de développement, mais aussi à l’hostilité de certains gouvernements : « Il existe de nombreux facteurs tels qu’institutionnels, avec la restriction de l’espace civique par les gouvernements. Depuis quelque temps, les ONG de défense des droits de l’homme qui sont dans leurs rôles naturels de veille, d’alerte et de porteurs de plaidoyers pour la protection des droits et libertés sont accusées souvent à tort par des États. Ceux-ci usent de tous les artifices pour restreindre leurs marges de manœuvre et leur visibilité », a noté Comlan.

Un nombre non négligeable de ces ONG de défense des droits de l’homme font l’objet d’une surveillance étroite, voient leurs responsables interpellés ou sont carrément interdites d’activités par les pouvoirs publics qui les considèrent comme des partis d’opposition déguisés : « … Il s’agit de mesures restrictives, de surveillance et de contrôle des sources de financement. Des structures des Etats cherchent à savoir également pour qui les ONG travaillent-elles et quelles sont leurs relations avec les partis d’opposition. Pourquoi nous surveillent-elles ? Les pouvoirs publics ont oublié que non seulement les interventions des ONG couvrent les aspects et localités non couverts par les programmes nationaux de développement, mais qu’elles constituent tout autant des forces de propositions pour l’amélioration de la gouvernance dans tous les secteurs », a déclaré le représentant du REPAOC, soulignant que leur présence dans les 15 pays de la CEDEAO est plutôt un avantage pour le développement et le renforcement de la paix dans la région ouest-africaine. Les ONG et les OSC ne sauraient donc être des menaces pour les intérêts des Etats.  « Lorsque nous parlons des droits de l’homme, cela touche de nombreux aspects (social, économique, environnemental, religieux, politique, etc.). La non satisfaction des besoins des individus et des communautés constitue le nid de frustrations, de révoltes, de radicalisations et d’actes extrémistes », a-t-il déclaré à l’Agence Camerounaise de Presse dans une interview.

La situation des Plateformes nationales d’ONG membres du REPAOC

La pandémie du COVID-19 et la crise financière ont causé d’énormes préjudices aux projets de développement dont la plupart ont été suspendus ou n’ont pu être conduits à terme. La crise sécuritaire induite par les attaques terroristes dans les pays du centre du Sahel et qui évolue dangereusement vers les payes côtières du golfe de Guinée réduit plus que jamais les chances de succès des projets soumis soit par le niveau régional soit par les collectifs nationaux. Ce contexte est empiré ces derniers temps par la multiplication des coups d’Etat, la contestation des partenaires traditionnels qui débouche parfois sur des crises diplomatiques. Tout ceci ne rassure guère et met la communauté des bailleurs dans une attitude d’observation.

La mal gouvernance et ses effets sur la jeunesse africaine

La volonté politique de résoudre les problèmes en Afrique de l’Ouest fait défaut, ce qui a des conséquences sur la cohésion sociale. Le chômage est devenu énorme en Afrique de l’Ouest, entraînant un exode massif des jeunes villages vers les villes (exode rural) et des villes vers l’étranger à la recherche d’un mieux-être (migrations), a déploré Julien Comlan. « Nous parlons du problème de la migration et de ses conséquences. Après être traités de manière inhumaine et indigne par les passeurs dans leur aventure vers l’Europe, ce sont les mers et océans qui deviennent des cimetières pour les jeunes africains. C’est bien dommage que les Etats ne font rien devant la dénonciation de ces situations et de leurs causes », a déploré Comlan.

La collaboration avec les Banques Publiques de Développement (BPD)

Lorsqu’on lui a demandé s’ils avaient eu une collaboration avec le PDB, le Coordonnateur Régional du REPOAC a répondu : « Nous avons engagé un dialogue avec les banques, c’est maintenant que nous entamons des pourparlers avec elles. Nous apprécions le changement de paradigme dans le financement des ONG avec le concept de la Finance en Commun qui veut voir que les ONG et les OSC être des partenaires dans la mise en œuvre de projets de développement avec les BPD et les entreprises du secteur privé… il est important de faire comprendre aux BPD qu’elles, les OSC, sont une catégorie de partenaires qu’elles ont oublié pourtant ce sont elles qui ont cette proximité opérationnelle avec les communautés, comprennent leurs aspirations et leurs vrais défis auxquelles elles sont confrontées ».

Julien Comlan a déclaré que si les BPD collaborent avec les OSC, le développement durable sera vite atteint. « Tenus par nos règles éthiques et les principes de la transparence et de la redevabilité, nous ne faisons pas de détournement ni de ressources ni d’objectifs des projets… En entrant en partenariat avec nous ONG et OSC, les BPD et les entreprises auront non seulement la possibilité de vérifier à tout moment la qualité de la mise en œuvre des projets, mais également disposeront d’éléments de comparaison par rapport aux résultats des programmes qu’elles avaient précédemment financés au profit des communautés. » a-t-il assuré.

La corruption est un vice à éliminer

Les gouvernements sont les premiers partenaires des bailleurs. Malgré la richesse du continent africain en ressources de toutes sortes, et les investissements importants consentis depuis les indépendances, la pauvreté persiste, les communautés continuent de souffrir. La raison en est l’effet conjugué du manque de patriotisme, de la corruption et des détournements de fonds, entre autres mauvaises pratiques. Le leader de la société civile estime qu’il faut éliminer la corruption et poser des garde-fous contre les détournements pour donner des garanties de succès aux projets. « Les Africains sont des travailleurs. Il suffit de leur donner les outils et moyens et de les organiser. C’est pourquoi à notre niveau, nous faisons du renforcement des capacités une pierre d’angle de nos interventions…».

Ainsi, Comlan pense que le 4ème Sommet de la FiC en Colombie produira des retours positifs sur l’existence et le fonctionnement des OSC, et espère que  d’ici cinq ans, les résultats de ce partenariat inédit avec les BPD et les entreprises du Secteur Privé seront remarquables./

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